Entre deux séances au festival de Gérardmer, on a rencontré le réalisateur belge Fabrice Du Welz, membre du jury composé par Kervern et Delépine. L’occasion de discuter un peu de son amour de jeunesse : le cinéma d’horreur.
AlloCiné : Comment expliquez-vous votre attachement au cinéma d’horreur ?
Fabrice Du Welz : C’est comme une histoire d’amour. J’ai grandi avec ça quand j’étais adolescent. De manière général, j’aime le cinéma, c’est mon grand amour, et je dirais que le cinéma d’horreur est mon premier amour.
Quels sont vos maîtres absolus ?
Il y a beaucoup de cinéastes que j’aime particulièrement, mais ce sont des cycles. Les premiers, ce sont Carpenter, Cronenberg, Tobe Hooper, ces gens qui faisaient un cinéma qu’on qualifie de genre, mais qui avait un propos et qui distillait une sorte de poétique politique. Ils avaient un vrai regard sur le monde, excessif, extrême et éminemment poétique selon moi.
Quelle place occupent la politique et la poésie dans votre cinéma ?
La dimension politique m’intéresse peu, je suis beaucoup plus attaché à la poésie, à l’articulation de l’atmosphère et d’une certaine poésie. Je n’aime pas du tout le cinéma réaliste. Je ne suis pas contre, mais dans mon cinéma ça me déplait, je n’aime pas ce qui ramène à quelque chose de très ancré socialement. J’aime que les films soient entre deux, ça permet une meilleur longévité. Ce que j’aime, c’est une forme de réalisme magique : ancrer le cinéma dans le réalisme et le faire partir vers autre chose.
Quel film d’horreur vous a le plus marqué ?
Le film qui a changé ma vie, c’est Massacre à la tronçonneuse. A l’époque, adolescent, je voyais beaucoup de films d’horreur, j’adorais ça, et rien ne me préparait à la découverte d’un film comme celui-ci. J’ai vu un film qui était une oeuvre d’art, qui m’interrogeait sur plein de choses et dont la violence était excessive, tortueuse, grotesque, poétique et touchante. Le film m’a fortement imprégné et ça a été très important dans ma vie de cinéphile. Il y en a eu d’autres, des films comme ça, qui vous dévissent la tête et c’est ce que j’aime, voir des films qui me bousculent, qui me provoquent. Je trouve cela très voluptueux.
Le cinéma d’horreur était quelque chose – il l’est beaucoup moins maintenant malheureusement – de très inventif, en réaction à plein de choses. Aujourd’hui je trouve que l’utilisation du cinmé d’horreur est boursouflée, cynique et pas très inventive. C’est aussi beaucoup plus rare de voir des films qui ont cette rage ou cette intelligence.
Faire du cinéma de genre, c’est compliqué, on le sait. Avez-vous le sentiment que les choses bougent ?
Ca change, depuis les succès récents de Grave ou de Revenge, ça peut paraître plus respectable. Certains films d’horreur vont à Cannes, aux César, le regard de la profession change, mais ça reste compliqué. De toute façon, faire des films, c’est compliqué, sauf peut-être pour les grosses comédie, avec un casting vendeur.
Quels sont vos projets dans les semaines et les mois à venir ?
Je termine Adoration [avec Benoît Poelvoorde et Laurent Lucas], je suis en montage son, bientôt en mixage dont si tout se passe bien, le film sera fini d’ici deux mois. Et j’enchaîne normalement avec un nouveau film que j’espère tourner à la fin de l’année.
Vous n’arrêtez donc jamais !
Non, j’arrêterai quand je serai mort ou quand on m’empêchera de faire des films !