Réunis en sommet, mi-septembre 2018, dans la ville du Cap (sud-ouest de l’Afrique du Sud), les représentants du secteur du tourisme en Afrique, considéré comme un levier important de développement, ont fait part de leurs préoccupations concernant la sauvegarde de la faune sauvage sur le continent.
Les croyances asiatiques coûtent cher à l’Afrique
Selon ces spécialistes, les mauvaises nouvelles qui arrivent régulièrement des parcs naturels africains nuisent à ces derniers, assimilés à des «produits d’appel» dans le jargon du tourisme.
Les crimes environnementaux coûtent chaque année plus de 70 milliards de dollars aux pays en développement.
L’Afrique est la cible de braconniers qui arrachent les défenses de ses éléphants et les cornes de ses rhinocéros pour satisfaire, à prix d’or, la demande de la médecine traditionnelle asiatique. Des contradictions au Botswana
Pays enclavé de l’Afrique australe, le Botswana abrite la plus grande population africaine d’éléphants en liberté (135.000 têtes environ).
Avec, entre autres, le sublime delta de l’Okavango, l’offre touristique y est très alléchante, en particulier à l’intention des amateurs de safaris photo haut de gamme.
De plus, son arsenal très répressif fait de cette destination un modèle de lutte antibraconnage.
Las! Début septembre 2018, l’ONG Eléphants sans frontières a dénoncé, à l’aide d’images aériennes, la mort d’une centaine de pachydermes lors d’un massacre sans précédent. Un carnage pour l’ivoire qu’elle a attribué à la décision des autorités de désarmer ses «rangers».
Le gouvernement de Gaborone, capitale du Botswana, et des scientifiques ont depuis remis en cause la réalité de ces massacres. Mais trop tard, la réputation du pays a déjà souffert de l’incident.
Pourtant, quelques jours à peine après cet épisode, un débat public a été lancé sur le rétablissement de la chasse aux éléphants, abolie en 2014 par l’ancien président du Botswana Ian Khama.
L’appel des agriculteurs du pays, qui se plaignent du piétinement de leurs champs de maïs par les pachydermes, a, semble-t-il, été entendu par les autorités, au grand dam des protecteurs de la nature et des agences de voyage. Un fiasco au Kenya
Pas de braconnage cette fois, mais des négligences fatales.
Onze rhinocéros noirs sont morts de déshydratation pendant l’été 2018 à la suite de leur transfert mal préparé des parcs nationaux de Nairobi et Nakuru vers un nouveau sanctuaire pour rhinocéros dans le parc du Tsavo, à l’est du pays.
C’est le Kenya Wildlife service, le service kényan de la faune, qui était en charge de l’opération.
Présent à la réunion du Cap, le ministre kényan du Tourisme Najib Balala s’est montré penaud à défaut d’être généreux en explications. «C’est malheureux (…), a-t-il dit, il est clair que l’affaire n’a pas été bien gérée par mes officiers, et nous avons pris des mesures pour y remédier».
Une mauvaise publicité que le ministre a voulu minimiser en affirmant, enthousiaste, que «le nombre de rhinocéros protégés au Kenya est passé de 300 il y a trente ans à plus de 1.200 aujourd’hui. Et nous avons 35.000 éléphants contre seulement 16.000 il y a 30 ans».
Des touristes de plus en plus militants
Selon Anita Mendiratta, auteure de récits de voyage, la lutte contre les trafiquants et braconniers est devenue une demande des visiteurs.
«Les touristes nous disent ‘‘ce n’est pas bien”», raconte-t-elle, «la lutte antibraconnage est au coeur de leurs préoccupations. Le militantisme des touristes est devenu un élément important de notre industrie».
Ancien «ranger» tanzanien reconverti dans le secteur des safaris, Loserian Laizer pense lui aussi que «la contrebande nuit au tourisme». Mais il note que cela est peut être dû aux dispositions prises par les directions des parcs.
Il raconte par exemple, que, dans le célèbre parc sud-africain Kruger, des visiteurs se plaignent du bruit des patrouilles aériennes de surveillance.
Touristes militants. Jusqu’à un certain point.
Des touristes de plus en plus encombrants aussi
«Je félicite ceux qui protègent la faune sauvage, de plus en plus de gens comprennent que c’est indispensable», ajoute M.Laizer, «il faut essayer de la protéger de façon intelligente».
Mais, prévient-il, le braconnage n’est pas le seul à menacer cette faune précieuse.
«Le problème, c’est la construction d’infrastructures de plus en plus nombreuses pour accueillir plus de visiteurs», met-il en garde, «ça détruit l’environnement, alors il faut contrôler cette évolution».
C’est bien connu, chaque médaille a son revers.