Durant le mois de février se déroulent dans toute la France les 16èmes Journées nationales de prévention du suicide. Organisées par l’Union nationale de prévention du suicide (UNPS), qui regroupe diverses associations, ces journées ont pour thème “Tous acteurs et citoyens – régions, territoires et proximité dans la prévention du suicide“. Parce que la prévention du suicide, c’est l’affaire de tous.
Jusqu'à mi-février se déroulent les 16èmes Journées nationales de prévention du suicide dans toute la France, organisées par l'UNPS.
En France, un décès sur 50 est un suicide, soit environ 10 000 par an. Mais ce sont au total plus de 250 000 personnes qui ont tentent chaque année de mettre fin. C’est la première cause de décès chez les 25-34 ans et la seconde chez les 15-24 ans, après les accidents de la route.Qui sont les suicidés ?
Y a-t-il des populations ou des territoires plus à risques ? Autant de questions qui restent sans réponse, faute de données disponibles. D’autant qu’il y a un décalage de 3 ans dans la publication des données (en 2012, les chiffres disponibles portent sur l’année 2009…). Difficile de mettre au point des politiques ciblées avec ces délais. “Mais même si certains plaident pour la création d’un observatoire, je ne pense pas que ce soit réellement une bonne idée, explique Françoise Facy, vice-président de l’UNPS et directeur de recherche à l’Inserm. Notamment parce qu’en matière de prévention du suicide, l’immédiateté n’a jamais montré son efficacité“.
Selon elle, autant essayer de mieux coordonner les structures existantes impliquées dans le recueil de données sur le suicide : l’Ined, l’Insee, l’Inserm, l’Invs et la Dress.Néanmoins, certaines données sont connues, comme par exemple deux facteurs de risques majeurs chez les adultes : le “non-emploi“ et le fait d’être “agriculteur“. Autre donnée connue, on compte plus de décès par suicide chez les hommes, mais pourtant les femmes font plus de tentatives. Concernant le modus operandi, la pendaison est le moyen le plus répandu. En seconde position, on constate encore une différence liée au genre : les hommes vont choisir les armes à feu quand les femmes préfèrent les médicaments.De la précocité des enfantsSans oublier que l’actualité nous rappelle qu’aujourd’hui, de très jeunes enfants, de 8 à 12 ans, passent aussi à l’acte. “De plus en plus de parents appellent concernant leurs jeunes enfants, relate Thérèse Hannier, présidente de l’UNPS. “En un mois, il y a eu environ 10 suicides d’enfants âgés de 8 à 12 ans… Il est essentiel d’agir. Et pour ce faire, les politiques de prévention doivent tenir compte de deux caractéristiques majeures chez les enfants : leur tendance au mimétisme et leur impulsivité“. Dans
son rapport rendu fin septembre sur le suicide des jeunes enfants, le psychiatre Boris Cyrulnik évoque plusieurs pistes à suivre pour éviter ces drames douloureux.Dans le cadre du
Programme national d’action contre le suicide 2011-2014, il est notamment prévu de former les enseignants pour apprendre à repérer, dans le discours, dans les travaux rendus (dissertations, rédactions…), des signes avant-coureurs. “Mais il faut aussi informer directement les élèves car bien souvent, ces derniers se confient relativement peu aux adultes, nuance la présidente de l’association. En effet, pour les enfants, la mort est un concept relativement abstrait, banalisé par sa représentation dans les dessins animés, les séries, les films et les jeux vidéos. D’où l’intérêt de leur expliquer comment en parler et vers qui se tourner“.Comment améliorer la préventionCe programme de prévention du suicide, publié en toute discrétion en septembre dernier, comporte au total 49 mesures divisées en 6 axes. Même si l’association lui reconnait quelques lacunes, “au moins, il a le mérite d’exister, tempère Thérèse Hattier. Et puis si tout ce qui figure dans ce Plan est effectivement entrepris, on peut raisonnablement espérer des retombées favorables“. Par ailleurs, l’UNPS se réjouit de disposer, grâce à ce programme, de moyens d’action avec les Agences Régionales de Santé (ARS). Pour Françoise Facy, la prévention du suicide passe par 3 axes majeurs “de la prévention à la postvention, la communication-l’éducation à la santé et enfin la recherche“.
Pour ce qui concerne le premier axe, il s’agit notamment de mieux coordonner les actions et les moyens des milieux hospitaliers, scolaires, professionnels, etc. Ce sont les ARS qui peuvent travailler sur ces sujets. Pour le Dr Matthieu Lustman, médecin généraliste et sociologue, “même si nous avons tous un rôle à jouer dans la prévention du suicide, il y a bien entendu des limites. Par exemple, on en demande beaucoup aux enseignants, dont la mission principale, faut-il le rappeler, est d’enseigner. Il faut penser aussi à leurs souffrances… Il faut avant tout améliorer et optimiser les réseaux pour que chacun retrouve sa place“.
Le médecin plaide aussi pour “améliorer le dialogue entre médecin du travail et médecin généraliste. En effet, 70 % des personnes qui on fait une tentative de suicide avaient consulté un médecin peu de temps avant, mais sans évoquer leur problème. Si les médecins étaient mieux sensibilisés aux signaux d’alerte, ils pourraient poser les bonnes questions et ainsi, éventuellement, aider le patient“.Quant à la postvention, cela consiste par exemple à la prise en compte de l’entourage endeuillé. Réduire l’accès aux moyens létaux en renforçant la sécuritéEnsuite, communiquer et informer autour du suicide, “c’est essentiel pour changer les représentations et croyances autour de la suicidologie“ rappelle Thérère Hannier. C’est d’ailleurs l’objectif même des Journées nationales de prévention du suicide qui se tiennent durant le mois de février. Plusieurs manifestations sont prévues partout en France (
consultez le site en ligne pour en savoir plus)Enfin, sur le volet recherche, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer les connaissances, notamment dans le domaine de la sociologie : “La crise a-t-elle influence ?“, “Quelle est l’importance du lien social ?“…“Par ailleurs, il faut prendre en compte la sécurité, la renforcer de manière à rendre impossible le passage à l’acte en supprimant les moyens létaux, suggère Françoise Facy. Par exemple, à Montréal, ils ont renforcé la sécurité d’un pont : résultat, ils ont observé que ce mode de suicide n’avait pas été remplacé par d’autres. Pour les enfants, il s’agit de renforcer la sécurité autour de la pharmacie (accès aux médicaments, etc.) et l’accès aux armes à feu. C’est pourquoi les campagnes de prévention des accidents domestiques ont également leur utilité dans le cadre de la prévention du suicide“.Que ce soit dans le monde de l’entreprise, où l’avènement de nouvelles technologie, l’arrivée de nouveaux modes de management et la crise financière changent la donne, dans les maisons de retraite, où les professionnels constatent une augmentation du nombre de suicide, ou encore à l’école, la prévention implique chacun d’entre nous. “Le suicide est une conséquence d’une atteinte à la dignité“, résume la présidente de l’association qui s’inquiète de la sinistrose ambiante qui semble gagner les Français.Yamina SaïdjSource : Conférence de presse de l’UNPS, 2 février 2012