Les femmes atteintes d’un cancer du sein traitées par radiothérapie ont un risque accru de développer un cancer du poumon secondaire à l’exposition aux rayonnements, selon une étude danoise présentée au 33èmecongrès de la Société européenne de radiothérapie et oncologie(ESTRO33) qui se déroule à Vienne (Autriche).
La radiothérapie du sein expose à un sur-risque de cancer du poumon.
“Nous avons découvert que pour chaque Gray délivré aux poumons lors d’une
radiothérapie appliquée pour traiter un
cancer du sein, le risque relatif de développer un cancer primaire du poumon augmente“, a commenté le Dr Trine Grantzau, oncologue à l’hôpital universitaire d’Aarhus au Danemark. Et le médecin d’ajouter que l’accroissement de ce risque est similaire à l’accroissement du risque de maladie cardiaque observé après une radiothérapie du cancer du sein.Dans la mesure où les progrès de la médecine permettent à de plus en plus de femmes de survivre à leur cancer du sein, il apparaît indispensable d’évaluer la balance bénéfices/risques des traitements appliqués pour soigner ce cancer afin de prendre les mesures nécessaires pour qu’elle reste toujours positive.Second cancer radio-induit : un risque de 1 pour 200Une étude portant sur 23 627 Danoises traitées par radiothérapie après chirurgie du sein entre 1982 et 2007, ainsi que sur 22 549 patientes atteintes elles aussi d’un cancer du sein mais non traitées par radiothérapie, avait montré que le risque de développer un second cancer radio-induit était d’environ 1 pour 200 femmes traitées. “Dans l’étude actuelle, nous voulions savoir s’il y avait une corrélation dose-réponse pour le développement d’un cancer primaire du poumon secondaire à une irradiation d’un cancer du sein“, a expliqué le Dr Grantzau. Avec ses collègues, elle a donc calculé l’incidence de premiers cancers du poumon secondaires à une exposition aux rayonnements. Au total, 151 femmes (0,6 %) avaient développé un nouveau
cancer du poumon. Ce groupe cas a été comparé à un groupe contrôles, constitué de 443 femmes qui n’avaient pas développé une telle tumeur.Les chercheurs ont examiné les données de radiothérapie (dose délivrée, taille de la zone irradiée, technique thérapeutique) ainsi que le statut tabagique des patientes. Ils sont ainsi parvenus à déterminer la quantité de rayons auxquels les femmes ont été exposées au niveau du poumon où s’est développée la tumeur secondaire.Cancer du poumon secondaire à la radiothérapie : un phénomène dose-dépendantLa moitié des femmes avaient eu le diagnostic de cancer du sein avant l’âge de 54 ans (ce qui, au passage, pose la question de la pertinence de la tranche d’âge pour le dépistage -50-74 ans-, sans parler de la
pertinence du dépistage lui-même, fortement remise en questions par bon nombre de spécialistes et que semblent soutenir de plus en plus de travaux) et la moitié avaient développé un cancer du poumon secondaire à l’âge de 68 ans. Dans 70 % des cas, le diagnostic de cette seconde tumeur était posé plus de 5 ans après la radiothérapie du cancer du sein (de 5 à 26 ans après). A noter, une écrasante majorité des patientes concernées étaient fumeuses (91 %), contre 40 % des contrôles.La dose moyenne d’irradiation reçue lors de la radiothérapie au site de la tumeur pulmonaire secondaire était de 8,7 Gray, contre 5,6 Gy sur la même zone chez les femmes qui n’avaient pas développé de tumeur secondaire. Si le risque absolu de développer un cancer du poumon secondaire reste faible, le risque relatif chez les femmes qui ont survécu au moins 5 ans à leur cancer du sein n’est pas négligeable, augmentant de 8,5 % par Gray délivré au poumon, estime le Dr Grantzau.“Ces résultats montrent que le risque de cancer secondaire du poumon après une radiothérapie chez les patientes atteintes d’un cancer du sein au stade précoce est associé à la dosé délivrée au poumon“, conclut-elle. Et d’ajouter : “La radiothérapie post-opératoire chez les patientes atteintes d’un cancer du sein diminue le risque de récidive de cancer du sein et améliore la survie globale. Tout l’enjeu pour les radio-oncologues est de réduire la dose de radiothérapie délivrée afin de minimiser la dose reçue par le tissu sain de façon à éviter les tumeurs malignes radio-induites, sans compromettre son efficacité dans le traitement du cancer du sein“.Elle recommande aux médecins de prévenir constamment leurs patientes des risques associés à la radiothérapie mais aussi et surtout de ceux associés au
tabagisme, bien plus grands en matière de cancer du poumon. Pour le Pr Vincenzo Valentini, président du congrès et radio-oncologue à Rome, cette étude souligne l’importance de l’évaluation de la sécurité des procédures de radiothérapie afin de toujours traiter à l’aune du rapport bénéfices/risques du traitement.Amélie PelletierSource : “Increased risk of developing lung cancer after radiotherapy for breast cancer“, Communiqué de presse, Congrès ESTRO33, Vienne, 7 avril 2014.